Abasse Sangaré:« Nous devons aller à une véritable réconciliation pour la stabilité du pays »

 Abasse Sangaré:« Nous devons aller à une véritable réconciliation pour la stabilité du pays »

Abasse Sangaré est membre du bureau politique national du CDP et chargé de l’information et de la communication, de la section provinciale du parti.

Hors du cadre politique, il est le président du Mouvement des jeunes humanistes, une association qui œuvre pour la paix et la cohésion sociale. Ensuite, président du Lions Club Bobo Doyen, et vice-président d’une association des éleveurs, etc…. Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, il parle, des résultats obtenus par son parti, lors des dernières élections couplées, du phénomène du terrorisme, de la réconciliation nationale, etc……

Libération : Quelles leçons peut-on tirer, des élections couplées du 22 novembre 2020 ?

Abasse Sangaré : Ces élections couplées ont été une expérience pour nous, les jeunes. Nous avons compris que pour gagner des élections, il faut les moyens financiers, humains et matériels. Ensuite, la cohésion au sein du parti. Nous, notre parti a connu de nombreuses crises avant les élections. D’abord, l’élection de Eddie Komboigo, au cours du congrès, comme président du CDP, a entrainé une division au sein du parti. Le bureau politique national (BPN) était obligé de convoquer un congrès extraordinaire, pour exclure les mécontents qui empêchaient le bon fonctionnement du parti. Ces multiples crises ont naturellement joué, sur nos résultats à ces élections couplées.

Maintenant, parlant du positionnement sur les listes des candidats, les jeunes ne sont satisfaits, en ce sens qu’ils n’ont pas été placés en bonne position. La direction du parti devait faire confiance en nous.

La campagne électorale, dans le Houet, n’a pas été facile pour nous, parce que sur le terrain, nos adversaires politiques, avaient plus de moyens que nous. Dans les localités où, nous nous donnons 100.000 F CFA, nos adversaires donnent plus de 500.000 F CFA, plus une moto à une seule personne. Cela n’a rien à voir avec ce que les structures obtiennent comme fonds. Et le jour des élections, des gens ont été transportés dans des tricycles, pour les amener dans des bureaux de vote. Après le vote, on leur donnait de l’argent. De notre côté, nous avons fourni des efforts pour avoir ce que nous avons eu. Nous sommes un peu déçus, parce que ce n’est pas ce résultat, que nous attendions. Nous n’avons pas voulu manifester, pour éviter des problèmes dans le pays qui a connu beaucoup de souffrances ces dernières années. Le parti a été sage en acceptant les résultats des élections.

Libération : Le CDP est la 2ème force politique du pays. Pourra-t-il réellement jouer son rôle de contre-pouvoir ?

Abasse Sangaré : Le CDP est un parti qui a des hommes très expérimentés. Nos députés au niveau de l’Assemblée nationale, travailleront en votant des lois en faveur des populations. Et nous militants à la base, nous allons faire des critiques positives. Nous allons travailler pour permettre à l’opposition de jouer pleinement son rôle, dans l’intérêt des Burkinabè.

Libération : Depuis quelques années, notre pays est en proie à des attaques terroristes. Que pensez-vous de ce phénomène ?

Abasse Sangaré : Le terrorisme est une question très sensible. A mon avis, il y a trois éléments qui peuvent être l’origine du terrorisme. Il y a d’abord, l’ignorance des populations, ensuite le sentiment d’abandon des populations par l’Etat, et enfin la vengeance des victimes des attaques terroristes. Et pour venir à bout du phénomène, il faut négocier avec ceux qui sont frustrés, et sensibiliser ceux qui sont manipulés. Maintenant ceux qui sont radicalisés, il faut les combattre. L’Etat doit prendre ses responsabilités, quant au développement de toutes les régions du pays. Dans certaines régions, l’Etat n’existait pas. Et un sentiment de frustration va forcément y naitre. Ces régions constituent un terreau fertile, pour les terroristes qui vont recruter des jeunes sans emplois.   

Libération : Il est question de réconciliation des Burkinabè. Pensez vous que nous allons parvenir à cette réconciliation tant voulue par les Burkinabè ?

Abasse Sangaré : Vous savez, même dans une famille, s’il y a des mésententes, il faut nécessairement se réconcilier. Avant, c’est le griot, le forgeron ou le voisinage qui intervenait pour réconcilier les membres de la famille. J’ai suivi des gens qui disent les Burkinabè n’ont pas un problème de réconciliation. Cela me fait rire. Prenons seulement l’affaire de Yirgou où des Burkinabè sont allés massacrer d’autres Burkinabè, incendier des maisons, prendre des bébés jeter dans le feu…. Avec cette situation, pensez vous que le pays va continuer à vivre tranquillement ? Ou bien ceux qui sont de l’autre côté, ne sont pas des Burkinabè ? Nous devons aller à une véritable réconciliation pour la stabilité du pays. Une réconciliation sociale, en plus de celle politique. Cela y va de l’intérêt de tous les Burkinabè. La réconciliation ne se fait pas pour ceux qui sont à l’extérieur du pays. Elle se fait pour tout le monde. Les présidents Blaise Compaoré, Rock Marc Christian Kaboré, ont eu ensemble des intérêts, et auront ensemble des intérêts.

Libération : Donc, nous devons aller à la réconciliation sans passer par les cases de la vérité et de la justice ?

Abasse Sangaré : Vous savez, la justice des blancs, n’est pas comme celle des noirs. La justice classique prendra 20 ans, pour régler une affaire. Notre pays n’a pas besoin de ça, actuellement. Nous devons faire la justice transitionnelle, comme ce qui s’est passé en Afrique du Sud. Les

Sud-africains ont connu l’apartheid qui a fait des milliers de morts. Mais, ils ont réussi à se réconcilier et sont sur la bonne voie.

Libération : D’aucuns trouvent que la jeunesse est pressée, pour gérer le pouvoir. Selon vous, a-t-elle les compétences nécessaires pour diriger le pays ?

Abasse Sangaré : Quand j’entends ces propos, je ris souvent. Aujourd’hui, moi j’ai plus de 35 ans. Quand le président Rock Marc Christian Kaboré arrivait aux affaires, est-ce qu’il avait mon âge. Quand Thomas Sankara et Blaise Compaoré prenaient le pouvoir, en 1983, est-ce qu’ils avaient mon âge ? Mais, ils ont pu gérer le pays. Quand certains parlent de jeunes, ce ne sont pas ceux de 17 ans, mais il s’agit de ceux qui ont fini leurs études, qui ont travaillé ou travaillent dans l’administration, les institution etc… Ce sont des jeunes qui veulent apporter quelque chose à la société. Les ainés ont montré leurs preuves, il faut qu’ils laissent maintenant la place à d’autres personnes. Quand on a la capacité, et la vision de diriger, l’âge ne compte pas. C’est le cas par exemple du président français, Emmanuel Macron.

Libération : Récemment dans une de vos publications, vous demandez aux jeunes d’être prudents. Que message voulez-vous leur envoyer ?

Abasse Sangaré : J’ai surtout interpelé les jeunes qui veulent faire carrière en politique. On a fait des promesses à certains d’entre eux, pendant les élections de novembre 2020. Ces élections sont derrière nous. Les regards sont tournés vers les élections municipales. Selon ce que le premier ministre a dit, l’élection des maires se fera par suffrage direct. Et je pense que les jeunes ont la chance de se faire élire maire dans les arrondissements, car, ils ont les moyens et l’expérience.

Libération : Contrairement à vos ainés qui se battaient, les jeunes des différents partis politiques entretiennent de très bons rapports. Peut-on dire que c’est l’expression d’une véritable démocratie ?

Abasse Sangaré : Ce sont les jeunes qui ont voulu, ces relations cordiales entre eux. Certains ont créé des groupes WhatsApp  où tous les jeunes leaders des partis politiques s’y trouvent. Ils se partagent des idées. Nous sommes des adversaires et non des ennemis. Les jeunes ont compris cela, et font autrement la politique. Et cela ne nous empêchent pas de défendre nos différents bords politiques, nos idéologies, et les objectifs assignés par le parti. Avant les ainés les manipulaient, aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

Propos recueillis par Hamed Zerbo

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