Thomas Sankara à propos de son assassinat programmé:« Un militaire venu de Pô m’a précisé que mon élimination physique a été retenue »
De nombreux lecteurs connaissent, Jonas Hien, à travers ses écrits, sur le président du national de la révolution (CNR), le capitaine Thomas Sankara. Réagissant suite à un témoignage du colonel Saye ZERBO, sur les événements sanglants, du 15 octobre 1987, il a fait ces révélations :
« C’est vous dire, colonel, que si l’affaire Thomas Sankara est aujourd’hui, entre les mains de la justice, c’est parce que, la voie fantasmatique n’est pas habilitée à la connaître. Les débats se mènent sur terre, loin de la bible. Et puisque, le colonel aime les témoignages, je termine par ce témoignage que Thomas Sankara, avait confié à un de ses proches, quelques jours avant sa mort : « ça ne va plus entre mes camarades et moi. Ils vont me tuer bientôt. Beaucoup me conseillent de fuir. Certains me demandent de faire arrêter Blaise Compaoré. Je pense qu’on ne devient pas président, pour faire du mal à son pays et à son peuple. Je crois que je veux être utile à mon pays. Mais aujourd’hui, je ne me fais plus d’illusion, je suis un gros obstacle, à pas mal de gens. Ils vont me tuer, pour pouvoir faire ce qu’ils veulent. Mon cher, sache que, quand je vais mourir, ceux qui vont défendre ma mémoire, la plupart seront ceux qui n’ont pas travaillé avec moi, ceux qui m’ont connu de loin, et ceux qui ne n’ont pas connu. J’ai reçu un militaire qui a couru tous les risques, pour me rencontrer. Il m’a dit qu’il est commando de Pô, et qu’il fait partie de ceux qui vont opérer un coup d’Etat, bientôt conte moi. Il m’a précisé que mon élimination physique a été retenue. Il me demande donc de quitter le pays, dans de brefs délais. Il me parlait en pleurant. Je l’ai écouté, je l’en ai remercié et je lui ai dit, que j’ai bien compris. Mais à toi, je te dis que je ne ferai pas ce que les gens me demandent. Je ne ferai pas arrêter Blaise Compaoré et je ne quitterai pas le pays.
Je reste ici, qu’on me tue ici, et qu’on m’enterre ici. Je ne me reproche rien. Ce que j’ai déjà dit à mon père et ma mère, je te le répète. Je leur ai dit, que le jour où ils apprendront que j’ai été assassiné, qu’ils patientent de savoir qui m’a tué. Si c’est une personne venue loin de moi, ils peuvent se comporter comme ils veulent. Mais, si c’est un de mes proches qui m’a assassiné, je leur interdis de pleurer. Je pense qu’ils m’ont compris dans tous les cas, mon cher, et comme j’ai ajouté à mes deux parents, si on me tue, laissez le temps faire. Papa et maman ne mourront pas, tous sans savoir si leur fils qu’ils ont mis au monde, et qui a eu la chance de devenir président, a fait du mal ou pas à ce pays et à ce peuple. Nous avons tous gouverné. Ce que certains ont fait de mal pour mettre à mon compte, afin de mieux me détruire, je le sais et le peuple le saura un jour, après ma mort programmée. Et ce jour de grande vérité, je serais heureux de savoir que mes assassins ont eu raison de m’écarter ». Effectif. Depuis le 15 octobre 1987, date de l’assassinat du président Sankara, les deux parents ont respecté la parole d’outre-tombe. Maman est décédée (paix à son âme) en mars 2000, sans avoir versé une goutte de larmes, sur l’assassinat de son fils, ni avoir vu la tombe de Thomas. Papa est toujours des nôtres, (NDLR : le père, Joseph Sambo Sankara est décédé le 4 août 2006). Il attend toujours la vérité sur l’assassinat de son fils. Il est à l’écoute du temps…» Jonas Hien
(In l’observateur Paalga N°5441 du 13 juillet 2001)