Hayouba Niaoné, DG de la SAP :« Les consommateurs sont convaincus que nos produits sont de qualité »
La SAP Olympic, à l’instar de bon nombre d’unités industrielles, est confrontée à des méventes, du fait de la fraude. Avec le soutien du ministère du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat (MICA), elle a organisé, des opérations de déstockage de ses produits. Ces opérations ont-elles permis à la SAP Olympic de mieux fonctionner ? La société a-t- elle mis en place, un système pour écouler, sans difficultés, ses produits ? Nous avons rencontré le DG de la SAP, Hayouba Niaoné, qui donne des éléments de réponse, à toutes ces questions. Lisez !
Libération : Après l’opération de déstockage de vos produits, en aout 2020, peut-on dire aujourd’hui que la SAP Olympic fonctionne normalement sans difficultés ?
Hayouba Niaoné : Il faut rappeler qu’il y a eu, une première opération de déstockage, en septembre 2019, qui nous a permis de faire un chiffre d’affaires de 893 millions de francs CFA. Après cette opération, les choses n’ont pas fondamentalement changé. Les enlèvements se font de plus en plus rare, et il a fallu attendre en aout 2020, pour organiser une deuxième opération de déstockage qui a permis de réaliser un chiffre d’affaires, d’environ 1. 130. 000.000 de francs CFA. Une unité industrielle, pour qu’elle travaille, il faut la matière première, et des hommes. Et nous, nous recevons la matière première avec des partenaires extérieurs. Les fournisseurs burkinabè se comptent sur les doigts d’une main. Les fournisseurs africains sont rares. L’essentiel de nos fournisseurs se trouvent en Europe, en Asie. Et pour avoir la matière avec ceux-ci, il faut payer. Alors que nous, nous avons des difficultés, pour écouler le produit fini. Finalement, la liquidité nous a fait défaut et ne pouvions plus fonctionner. C’est en cela, que le ministère du Commerce nous a aidé à organiser ce déstockage. Le déstockage est bien, mais, il a caractère passager. Son effet n’est pérenne. Le déstockage a un effet pervers qui est que, quand on le fait, on est obligé de faire un décompte des prix. Et les grossistes, ayant pris goût à cela, une fois l’opération terminée, retournent dans leurs boutiques, commercialisent ce qu’ils ont pris avec nous, et les produits qu’ils ont importés. Car, ils réalisent des marges substantielles sur ces produits importés, qui n’ont rien à voir avec les marges qu’ils réalisent avec la SAP Olympic.
Le déstockage c’est bien pour souffler un peu, mais il occasionne des situations regrettables. Nos partenaires ne jouent pas franc jeu. Ils attendent qu’on soit coincé, et qu’on organise la prochaine opération de déstockage, pour acheter nos produits. Ils ont une solution alternative qui est d’importer. En principe, tel que le ministère du Commerce a organisé les choses, pour importer, il faut présenter une facture d’achat des produits SAP. Sur la base de cette facture, on vous donne une autorisation spéciale d’importer. Et en la matière, il y a des quotas. Si vous voulez importer 5 pneus, vous achetez, au moins, un pneu SAP. Malheureusement, cette mesure n’est pas respectée à la lettre.
Et rares sont les commerçants qui importent les pneus, et paient les droits de douanes. Ce qui fait qu’ils ont une marge importante, sur leurs produits. Nous qui sommes industriel, nous avons des structures, des équipements à amortir, des travailleurs et des impôts qu’il faut payer, nous sommes obligés de jouer franc jeu avec l’Etat. Vous voyez le handicap qu’il y a, entre une unité industrielle qui travaille dans la légalité et un commerçant qui importe ses produits, en foulant aux pieds les règles commerciales et fiscales.
Libération : Les revendeurs demandaient de revoir les prix de vos produits, à la baisse, afin de pouvoir les écouler facilement. Des mesures ont-elles été prises dans ce sens ?
Hayouba Niaoné : Nous avons bénéficié du soutien, des autorités, qui nous a permis de faire un prix, allant dans le sens, de ce que nos partenaires ont souhaité. C’est ce prix qui est en vigueur. Ça devait être limité au stock disponible à l’époque. Ce prix qu’on a maintenu, n’est pas un prix rémunérateur, il est en dessous de nos coûts de revient. Mais comme nous voulons de la liquidité, pour honorer nos engagements, vis-à-vis de nos fournisseurs, pour garder leur confiance et avoir la matière première, nous n’avons pas le choix.
Libération : L’un de vos produits, à savoir les tapis, n’est pas assez connu sur le marché. Pourquoi ne faites-vous pas la promotion de ce produit ?
Hayouba Niaoné : C’est vrai, nous fabriquons les tapis depuis très longtemps. Mais, la promotion autour de ce produit, n’a pas été à la hauteur de ce que on aurait pu faire. C’est dû au fait qu’avant, il n’y avait pas assez de véhicules, dans notre pays. Aujourd’hui, on en a plein. Nous allons faire des actions commerciales autour de ce produit. Il y a deux ans de cela, nous avons pris des étudiants, pendant les vacances, qui ont vendu nos tapis. Ils vendent, enlèvent leurs commissions et nous versent notre argent. Nous allons améliorer ce système de vente, avec des partenaires pérennes dans ce domaine, avec lesquels nous allons travailler. Nous fabriquons aussi des pièces, à base de caoutchouc, pour les industries. Nous travaillons, avec les miniers, la SOFITEX, SITARAIL, etc…. Nous avons aussi des partenaires au Mali. C’est un domaine qui est porteur. Nous avons des investissements de l’ordre de plus de 100 millions de nos francs. Nous avons obtenu, un financement avec l’Etat, dans le cadre du programme de restructuration de mise en niveau des entreprises. Nous venons d’avoir un financement, pour un certain nombre d’équipements, pour cette branche d’activité qui est nouvelle, mais qui est porteuse.
Libération : Votre circuit distribution ne permet pas aux clients, d’avoir vos produits, dans les campagnes. Votre politique commerciale a-t-elle changé ?
Hayouba Niaoné : La SAP Olympic vend aux grossistes qui, à leur tour, acheminent au consommateur final, soit en passant par les demi-grossistes, ou les détaillants. On avait opté, pour ce circuit de distribution. Mais, compte tenu de ce que je disais, les grossistes préfèrent importer leurs produits, que de prendre les nôtres. Nous savons que dans les campagnes, les consommateurs finaux, convaincus de la qualité de nos produits, les réclament. Mais, les commerçants ont constitué un goulot d’étranglement entre nous et ces consommateurs, en privilégiant les produits importés. Quand les consommateurs demandent nos produits, certains commerçants leur disent que la SAP Olympic est fermée, depuis longtemps. Et le client est obligé, de prendre le produit importé. Mais, ceux qui insistent, finissent par avoir nos produits. Face à cette situation, nous sommes en train de travailler, pour atteindre les zones où nos produits sont demandés.
Le directeur commercial, Ouédraogo Sidi Mohamed, a mis en place, un système de commercialisation qui commence à porter fruit. Il s’agit de travailler, avec les mécaniciens qui sont partout dans le pays. Il a rencontré ceux de Bobo et ses environs. Ceux de Gaoua, Diébougou, Banfora ont également été touchés. Il a établi aussi, des partenariats avec ceux qui veulent vendre nos produits, moyennant une petite marge. Quand il va finir avec l’ouest, il se rendra à l’Est, ainsi de suite. En tout cas, ce système est en train de prendre. Les mécaniciens donnent des conseils aux consommateurs quant à la qualité des produits. Ils sont importants, dans la chaine de distribution. Nous avons organisé des journées portes ouvertes, à leur intention, pour les amener à découvrir la SAP Olympic, à voir comment nous fabriquons nos produits. Ensuite, il y aura la 2ème phase qui consistera, à les former pour devenir des revendeurs agrées à petite échelle. C’est-à-dire, qu’ils prennent nos produits en petite quantité et les vendent directement ; ce qui nous permet d’avoir la visibilité. C’est un processus va prendre un peu de temps. Et, quand nous allons finir de sensibiliser la majeure partie, des mécaniciens, le problème de pneus de moto sera à moitié réglé.
Aussi, nous avons besoin que la fraude soit efficacement combattue. Puisque, sur le terrain, il y a une réalité qui est là. Ce sont les prix des produits. Nous avons beau fait des efforts sur les prix, nous sommes toujours en désavantage, par rapport aux produits importés. Sur le marché, il y a des pneus qui sont vendus à 4000 F CFA. Le combat, contre la fraude, doit être mené à plusieurs niveaux. L’Etat doit y mettre les moyens. Que la brigade mobile de la répression contre la fraude soit renforcée. Nous avons l’intime conviction, que les produits importés ne suivent pas la voie légale.
Propos recueillis par Hamed Zerbo